Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/173

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de rayons et d’odeurs végétales. Dans ces moments-là, on est à ce point envahi de sensations puissantes et suaves qu’on serait fort incapable de faire nettement le départ des effets et de la cause et d’abstraire Dieu de tout ce « divin » où l’on est plongé, et qu’on ne discerne plus bien si Dieu est dans la nature, ou si la nature est Dieu. Sentir se confond, alors, avec adorer. Ce ravissement, d’ailleurs, nous ne saurions le traduire (à supposer que nous en eussions le talent) qu’en le faisant cesser par la même. Sully-Prud’homme le définit en analyste, avec un art exquis et laborieux, dans la pièce des Stances et Poèmes intitulée : Pan. Lamartine, lui, l’exprime sans effort, ou plutôt il le « chante », il l’exhale, il l’épanche en paroles splendides, et qui semblent involontaires. Et, je le répète, cela ne s’était point vu depuis les poètes de l’Inde antique.

Quelquefois son extase balbutie ; on dirait que les mots vont lui manquer. — Tu comprends, vient-il de dire à Dieu, l’hymne silencieux des astres :

  Ah ! Seigneur, comprends-moi de même.
  Entends ce que je n’ai pas dit !
  Le silence est la voix suprême
  D’un cœur de ta gloire interdit.
  C’est toi ! C’est moi ! Je suis ! J’adore !

Ainsi le brahmane : « Quand je pense que cet être lumineux est dans mon coeur, les oreilles me tintent,