Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/177

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petit, si petit ! dans l’espace, et si éphémère dans le temps, perdu dans l’humanité totale comme l’est une goutte d’eau dans la mer, et comme l’humanité l’est elle-même dans l’infini des mondes, le poète…. Non, j’ai beau faire, je ne puis me tenir de copier encore, — pour moi, non pour vous, — la fin de cet hymne sublime, un des chefs-d’œuvre du verbe humain :

 … Vous allez balayer ma cendre,
  L’homme ou l’insecte en renaîtra.
  Mon nom brûlant de se répandre
  Dans le nom commun se perdra.
  Il fut ! voilà tout. Bientôt même,
  L’oubli couvre ce mot suprême,
  Un siècle ou deux l’auront vaincu…
  Mais vous ne pouvez, ô Nature,
  Effacer une créature.
  Je meurs ! Qu’importe ? J’ai vécu !

  Dieu m’a vu ! Le regard de vie
  S’est abaissé sur mon néant.
  Votre existence rajeunie
  À des siècles, j’eus mon instant !
  Mais dans la minute qui passe,
  L’infini de temps et d’espace
  Dans mon regard s’est répété,
  Et j’ai vu dans ce point de l’être
  La même image m’apparaître
  Que vous dans votre immensité !

  Distances incommensurables,
  Abîmes des monts et des cieux,
  Vos mystères inépuisables