Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/218

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tal, ces tableaux vivants et ces exhibitions toutes crues, je crains bien que notre théâtre ne s’y achemine tous les jours… Mais, je le répète, les cruautés lamartiniennes ne nous hérissent pas plus que les luxures lamartiniennes ne nous avaient troublés. La Chute d’un ange nous offre un très singulier exemple de l’impuissance d’un grand poète à peindre soit la laideur morale, soit l’horreur physique, comme si ces sujets lui avaient été interdits par Dieu, et comme s’il avait été créé uniquement pour exprimer ce qui est pur, ce qui est beau, ce qui resplendit et ce qui s’élève, pour dire la magnificence de la planète et traduire la prière et le rêve de l’humanité répandue à sa surface…

Avec tout cela, ce bizarre poème est très grand. J’aime à m’y plonger à l’aventure. Les pages les plus mêlées et les plus bourbeuses roulent, parmi les algues et les graviers, des perles rares. Cela pullule de vers spontanés, tels que Lui seul en sut écrire. J’ouvre au hasard (je vous le jure !) et je tombe sur la traversée aérienne de Cédar et Daïdha. Le beau voyage ! Les belles visions de nuit, d’aurore et de crépuscule ! La belle « carte en relief » et les beaux paysages à vol d’aigle ! Je cite un peu, pour votre plaisir et pour mon repos :

  Ils fendaient, engloutis, les ténèbres palpables :
  L’écume des brouillards ruisselait sur les câbles.
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