Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/286

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Margueritte. Quant à l’idée de la mort, je ne pense pas que jamais écrivain en ait été plus intimement pénétré que Pierre Loti. Et si ce n’est point, comme chez Tolstoï, pour notre conversion ou notre édification, c’est que la vanité des choses peut prêter à des conclusions extrêmement différentes, ou même se passer de conclusion.

En somme, on voit dans quelle mesure ces étrangers nous ont rendu service. Nous avons accueilli leur idéalisme par dégoût ou lassitude du naturalisme ; et il est vrai qu’ils nous ont induits à mettre plus d’exactitude et de sincérité dans l’expression d’idées et de sentiments qui nous furent jadis familiers, à préciser notre romantisme en même temps que notre réalisme s’attendrissait. Mais, si nous avons embrassé, une fois de plus, avec cette facilité et cette ardeur les exemples étrangers, cela n’est-il point un signe que c’est nous, en réalité, qui avons, sinon les mœurs, du moins l’âme cosmopolite ? L’Anglais parcourt le monde et reste partout Anglais. Nous ne quittons pas le coin de notre feu, mais, de ce coin, nous nous plions sans peine à toutes les façons de sentir des diverses races, et des plus lointaines.

Oui, ce sont nos écrivains que j’appelle les vrais cosmopolites. Ils le sont : car une littérature cosmopolite, c’est-à-dire européenne, doit être, par définition, commune et intelligible à tous les peuples d’Europe, et elle ne peut devenir telle que par