Page:Lemercier - Moi, j’ai d’la chance !, 1927.djvu/3

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Pendant la guerr’, j’étais troupier,
Tous les jours, fallait aller s’battre,
Crac ! un’ball’m’enlève un doigt d’pied,
Et c’est pourquoi j’n’en ai plus qu’quatre ;
Mais, par un heureux coup du sort,
Je perdis, en cette occurrence,
Le seul doigt où j’avais un cor,
Ya pas à dir’, moi, j’ai d’la chance !

J’avais poussé, sans fair’de bruit,
Dans un salon d’la plac Vendôme,
Un soupir qui sentait son fruit
Et répandait un drôl’d’arôme ;
Comme on d’mandait : « Quel est l’vaurien
Qui parfume ainsi l’assistance ? »
Un’dame a dit qu’c’était son chien,
Ya pas à dir’, moi, j’ai d’la chance !

Bref ! si j’deviens aviateur,
Histoir’de m’casser la caf’tière,
J’aurai, certe, un’pann’de moteur
Qui m’conduira droit au cim’tière ;
Ce s’ra la fin des jours mauvais,
Mais, pour finir mon existence,
Je tomb’rai dans un champ d’navets,
Et, jusqu’au bout, j’aurai d’la chance !



Eugène LEMERCIER.



S. E. M. F. A. 612