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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Je voudrais maintenant vider jusqu’à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel :
Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
Peut-être restait-il une goutte de miel !

Peut-être l’avenir me gardait-il encore
Un retour de bonheur dont l’espoir est perdu !
Peut-être, dans la foule, une âme que j’ignore
Aurait compris mon âme, et m’aurait répondu ?…

La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ;
À la vie, au soleil, ce sont là ses adieux,
Moi, je meurs ; et mon âme, au moment qu’elle expire,
S’exhale comme un son triste et mélodieux.


(Méditations poétiques)


______


LE LYS DU GOLFE DE SANTA RESTITUTA




Des pêcheurs, un matin, virent un corps de femme
Que la vague nocturne au bord avait roulé ;
Même à travers la mort sa beauté touchait l’âme.
Ces fleurs, depuis ce jour, naissent près de la lame,
            Du sable qu’elle avait foulé.

D’où venait cependant cette vierge inconnue
Demander une tombe aux pauvres matelots ?
Nulle nef en péril sur ces mers n’était vue ;
Nulle bague à ses doigts : elle était morte et nue,
            Sans autre robe que les flots.