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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Et le char d’Élisée aux rapides essieux ;
Tu daignes ramasser, avec ta main d’archange,
Des titres, des rubans, joyaux pétris de fange,
            Et tu remontes dans les cieux.

On dit même aujourd’hui, poète taciturne,
Que tu viens méditer sur les chances de l’urne ;
Que le front couronné d’ache et de nénufar,
Appendant à ton mur la cithare hébraïque,
Tu viens solliciter l’électeur prosaïque,
            Sur l’Océan et sur le Var.

Ô frère ! cette fois j’admire ton envie,
Et tu pousses trop loin le dégoût de la vie :
Nous avons bien permis à ton modeste orgueil
D’échanger en cinq ans tes bibliques paroles
Contre la Croix d’honneur, l’amitié de Vitrolles,
            Et l’académique fauteuil ;

Mais qu’aujourd’hui, pour prix de tes hymnes dévotes,
Aux hommes de Juillet tu demandes leurs votes,
C’en est trop ! L’Esprit-Saint égare ta fierté ;
Sais-tu qu’avant d’entrer dans l’arène publique
Il faut que devant nous tout citoyen explique
            Ce qu’il fit pour la liberté ?

On n’a point oublié tes œuvres trop récentes,
Tes hymnes à Bonald en strophes caressantes,
Et sur l’autel Rémois ton vol de Séraphin,
Ni tes vers courtisans pour tes rois légitimes,
Pour les calamités des augustes victimes,
            Et pour ton seigneur le Dauphin.