Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t1, 1887.djvu/178

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
158
ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Tes paroles de feu meuvent les multitudes,
Tes pleurs lavent l’injure et les ingratitudes,
Tu pousses par le bras l’homme… Il se lève armé.

C’est à toi qu’il convient d’ouïr les grandes plaintes
Que l’humanité triste exhale sourdement.
Quand le cœur est gonflé d’indignations saintes,
L’air des cités l’étouffe à chaque battement.
Mais de loin les soupirs de tourmentes civiles,
S’unissant au-dessus du charbon noir des villes,
Ne forment qu’un grand mot qu’on entend clairement.

Viens donc ! le ciel pour moi n’est plus qu’une auréole
Qui t’entoure d’azur, t’éclaire et te défend ;
La montagne est ton temple, et le bois sa coupole,
L’oiseau n’est sur la fleur balancé par le vent,
Et la fleur ne parfume, et l’oiseau ne soupire
Que pour mieux enchanter l’air que ton sein respire ;
La terre est le tapis de tes beaux pieds d’enfant.

Éva, j’aimerai tout dans les choses créées,
Je les contemplerai dans ton regard rêveur
Qui partout répandra ses flammes colorées,
Son repos gracieux, sa magique saveur :
Sur mon cœur déchiré viens poser ta main pure,
Ne me laisse jamais seul avec la Nature ;
Car je la connais trop pour n’en pas avoir peur.

Elle me dit : « Je suis l’impassible théâtre
Que ne peut remuer le pied de ses acteurs ;
Mes marches d’émeraude et mes parvis d’albâtre,
Mes colonnes de marbre ont les dieux pour sculpteurs.
Je n’entends ni vos cris ni vos soupirs ; à peine