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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

tique à la gloire de l’univers visible, son hymne à la nature. Puis il publia successivement : les Poèmes évangéliques (1852) ; Beau vase athénien plein de fleurs du Calvaire ; les Symphonies (1855) ; les Idylles héroïques (1858). Il fut alors nommé membre de l’Académie française en remplacement d’Alfred de Musset. Il était, depuis 1847, professeur à la Faculté des lettres de Lyon, quand, vers 1860, une satire politique, Les Muses d’État, le fit destituer. Le coup était particulièrement cruel au poète, qu’il atteignait dans ses besoins de père de famille ; mais cette incursion dans le domaine de la satire eut un autre avantage que de montrer la hauteur et la beauté de son âme ; elle lui révéla un style plus souple, plus familier, sans qu’il cessât d’être lyrique ; elle détendit, elle humanisa en quelque sorte son inspiration, et il écrivit Pernette (1868), ce récit héroïque qui se peut comparer sans désavantage à l’Hermann et Dorothée de Gœthe.

Quand éclata la guerre, parmi les cris qu’arrachait alors à nos poètes le désespoir national, Victor de Laprade en poussa d’admirables, qu’il joignit à ses satires, sous le titre de Poèmes civiques (1873). Député par la ville de Lyon à l’Assemblée nationale, il démissionna promptement, rentra dans sa retraite studieuse, et, pendant les rares heures où il n’était pas obsédé par la maladie, composa celui de ses ouvrages où se manifestent le plus directement ses sentiments intimes, cette suite de courts chefs-d’œuvre qui forment le Livre d’un père. Ce fut l’admirable testament littéraire et moral d’un poète qui a suivi la route de l’art, les yeux toujours fixés, comme un berger de l’Écriture, sur l’étoile de l’idéal ; d’un poète qui serait au premier rang, s’il n’était pas né dans un siècle qui a donné à la France Alfred de Musset, Lamartine et Victor Hugo.

François Coppée

(Discours à l’Académie française)


Les œuvres de V. de Laprade ont été publiées par A. Lemerre.