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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


APPARITION




En quittant, le soir, ta maison
Qui brille à l’Est sur la colline,
J’ai marché vers l’autre horizon
Suivant la pente qui s’incline ;

J’ai traversé le clair ruisseau,
Puis, j’ai remonté l’autre pente,
Et je me suis assis en haut
Pour bien voir ta vitre flambante.

Et c’est ainsi comme il convient :
Toi, jeune, fraîche, gaie et rose,
Ta place est là d’où l’aube vient,
Et la mienne au couchant morose.

J’ai regardé luire au soleil
Les fenêtres de ta demeure,
Et les feux de l’astre vermeil
S’y poser longtemps jusqu’à l’heure

Où le dernier rayon du jour,
Qui semble avec un regret morne
Comme moi quitter ce séjour,
S’est perdu dans le ciel sans borne.

La nuit vient, et pourtant mes yeux
Sont fixés dans l’ombre profonde
Vers ce point entre terre et cieux
Qui seul les charme dans le monde.