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CHARLES DE POMAIROLS.


LE PREMIER PRINTEMPS




À chaque avril qui vient je m’attriste et je dis :
Les printemps sont comptés que je peux voir encore,
Le jeune renouveau dont le sol se décore
Me charmera vingt fois, qui sait ? peut-être dix.

Puis un autre viendra, n’en doute point, mon âme !
Qui trouvera mes yeux fermés à son azur,
Le printemps le plus doux peut-être et le plus pur
Qui jamais eût touché mes regards de sa flamme.

Oh ! ce premier printemps qui sourira si beau,
Avant que ma pensée éteinte ait l’habitude
De l’ombre, du silence et de la solitude,
Qu’il sera difficile à passer au tombeau !

Plus tard j’aurai cessé le rêve de la vie,
Mais l’avril inconnu qui sèmera ses fleurs
Sur ma tombe nouvelle et molle encor de pleurs,
Troublera mon repos d’une suprême envie.


(La Nature et l’Âme)