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CAMILLE MACAIGNE.


L’ADORABLE SCRIBE




Elle est auprès de moi, sa gentille faconde
Éclate en je ne sais combien de mots perlés :
C’est le babil humain le plus ailé du monde,
C’est le plus argentin des langages parlés.

J’étudie auprès d’elle, et dans sa main mignonne
Ayant assujetti le crayon frais taillé,
Elle trace des traits multiples et rayonne
Comme un poète après un vers bien émaillé.

Comme tous ses pareils elle est imitatrice,
Et quand elle me voit puiser dans l’encrier,
Elle tend, avec l’air pétillant de malice,
La main vers l’écritoire et me force à crier :

« Bébé, soyez donc sage ; en cette liqueur noire
« Vos roses petits doigts seraient vite tachés. »
Ainsi quand je lui conte une émouvante histoire,
Ses grands yeux bleus sur moi se tiennent attachés.

Un gros in-folio qui s’étend sur ma table
Semble me prodiguer ses reproches railleurs,
Mais de le déchiffrer je me sens incapable :
La science est trop grave, et mon livre est ailleurs.

Car, les mains sur le front, distrait de mes pensées,
Et, les doigts entr’ouverts, je regarde longtemps
Cette enfant qui me jette en phrases cadencées
Les caressants accords d’un oiseau de printemps.