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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

L’allée aux verts circuits que l’onde semble clore :
Elle ne finit pas où vient murmurer l’eau,
Notre amour durera par delà ce tombeau !… »
Ils marchaient enlacés dans la route profonde ;
Ils s’aimaient dans la mort qui ne peut désunir ;
Et quand on vit flotter leurs fronts pâles sur fonde,
Il semblait que tous deux venaient de s’endormir.


L’allée était mystérieuse
Et se perdait dans le lointain ;
Rien ne troublait l’hymne joyeuse
Que Dieu chante au ciel purpurin ;
Et la lumière du matin
S’éparpillait majestueuse.


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SOUS L’ABAT-JOUR




Sous labat-jour ombreux où viennent chaque soir
S’attabler lentement nos mères attendries,
Que de tristes pensers et que de rêveries
Voltigent dans leur cœur comme au fond d’un ciel noir !

Ce fils qu’elles ont eu le mal de concevoir
Est loin des saints baisers de leurs câlineras ;
L’ont-elles tant soigné comme des sœurs chéries,
Pour s’exposer un jour à ne plus le revoir ?

L’aiguille à tricoter va son train monotone,
La lampe baisse, et l’heure, au beffroi du pays,
Pleure dans les brouillards brusquement épaissis.