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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Comme l’arbre, renaît le passé feuille à feuille,
Comme l’oiseau, le cœur retrouve sa chanson ;
L’âme a son rêve encore et le champ sa moisson,
Car ce que l’homme perd, c’est Dieu qui le recueille.


(Les Stoïques)


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LUNE D’AVRIL




Déployant ses ailes de cygne
Au vol lent et capricieux,
Le clair de lune me fait signe
Et m’entraîne au loin sous les cieux.

Il franchit les lacs et les fleuves,
Baise les yeux clos des cités,
Et, se riant des grilles neuves,
Il s’en vient aux parcs désertés.

Il écarte l’ombre importune
Avec un geste familier ;
Puis il descend une par une
Les marches du blanc escalier.

Il s’en va retroussant sa robe
Le long de l’humide sentier,
Et, de-ci de-là, se dérobe
Entre le houx et l’églantier.

Je le vois errer d’arbre en arbre
Comme un doux poète étonné,
Et prêter des blancheurs de marbre
Au banc de pierre abandonné.