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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Toute âme est le champ clos d’une bataille noire,
Sans pitié ni merci, sans soleil ni flambeau.
Chaque illusion morte y trouve son tombeau
Et dans sa chute entraîne au néant sa mémoire.

Ainsi, fiers seulement du devoir accompli,
Tristes cercueils où dort l’amour enseveli
Près des élans fougueux et des grandes pensées,

Nous traînons le fardeau de nos forces lassées,
Et nous nous survivons dans cet immense oubli,
Sentant s’ouvrir le ciel sur nos têtes baissées.


(Les Stoïques)


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Tous les rires d’enfant ont les mêmes dents blanches ;
Comme les rossignols dans les plus hautes branches,
                Les moineaux dans les trous du mur,
Au rebord des longs toits comme les hirondelles,
Leur céleste gaîté s’envole à tire-d’ailes
                Avec un son serein et pur.

Nul n’est favorisé dans l’immense partage :
Richesse et pauvreté n’y font pas davantage ;
                Le rire, ce grand niveleur,
Sur tous les fronts répand la joie égalitaire,
Et c’est comme un écho qui fait vibrer la terre,
                Et viendrait d’un monde meilleur.

Innocence, clarté ! leur âme est une aurore
Que la vie en passant n’a pas troublée encore
                Dans son épanouissement ;