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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Sur la côte elle donne aux buis
Des baisers d’émeraude, et puis
Elle se mire dans les puits
          Et dans les flaques !

Et, comme sur les vieux manoirs,
Les ravins et les entonnoirs,
Comme sur les champs de blés noirs
          Où dort la caille,
Elle s’éparpille ou s’épand,
Onduleuse comme un serpent,
Sur le sentier qui va grimpant
          Dans la rocaille !

Oh ! quand, tout baigné de sueur,
Je fuis le cauchemar tueur,
Tu blanchis avec ta lueur
          Mon âme brune ;
Si donc, la nuit, comme un hibou,
Je vais rôdant je ne sais où,
C’est que je t’aime comme un fou,
          Ô bonne Lune !

Car l’été, sur l’herbe, tu rends
Les amoureux plus soupirants,
Et tu guides les pas errants
          Des vieux bohèmes ;
Et c’est encore ta clarté,
Ô reine de l’obscurité,
Qui fait fleurir l’étrangeté
          Dans mes poèmes !


(Dans les Brandes)


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