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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Étoiles, fleurs des blonds étés,
Avant les éternels désastres,
Laissez-moi, comme un bouquet d’astres,
Vous offrir aux déshérités.

Étoiles, larmes de mystère,
Qui tombez du large des cieux,
Emplissez, jusqu’au bord, mes yeux,
Que je pleure notre misère !

(Les Cimes)

L’ASCÈTE

Sous le flagellement des tempêtes de soufre,
Au sommet nu d’un mont, qui se déchire en gouffre,
Un ascète est debout et les deux bras en croix.
Brisant du joug humain les chaînes et les lois,
Pour mériter le ciel des saints par sa torture,
Il arrache sa chair et la donne en pâture.
Il appelle des monts, des repaires secrets,
Les fauves des hauteurs et des vieilles forêts ;
Pantelant sous le fouet de l’âpre espoir qu’il couve,
Il fait boire son sang aux petits de la louve ;
Et quand il est à bout de martyre et d’orgueil,
Spectre qui pourrait faire épouvante au cercueil,
Ses désirs arrachés de son flanc, comme un glaive,
Il meurt les yeux fixés sur l’erreur de son rêve.

(Les Cimes)