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EDMOND LEPELLETIER.


La Douleur et la Haine expirent sur tes bords.
Ton flot vaste, chargé de vieux corps, d’âmes neuves,
Roule vers l’Infini nos crimes, nos remords,
Les longs sanglots d’amants, les désespoirs de veuves...
La Douleur et la Haine expirent sur tes bords.

Que n’avons-nous ton onde où s’éteint la Mémoire !
Dans nos cœurs ulcérés le vautour-souvenir
S’est abattu 5 son cri rauque dans l’âme noire
Nous obsède et nous fait oublier l’avenir...
Que n’avons-nous ton onde où s’éteint la Mémoire !

À notre âpre misère un espoir est resté :
Nous n’avons plus l’Oubli, mais la Mort est certaine.
Je veux souffrir encore, inutile Léthé !
Je veux garder tout mon amour, toute ma haine...
À ma sourde misère un espoir est resté.

LE COEUR SAIGNANT

LUI

En rêve, un Être, horrible et séduisant, a pris
Mon cœur, mon pauvre cœur d’amour et d’art épris
Sans léser nul organe et sans hémorragie
S’accomplit la secrète et lâche chirurgie.
Depuis, je vis sans cœur.

ELLE

Il geint ; il se débat.
Tant mieux ! J’ai trop porté l’insupportable bât