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FRANÇOIS COPPÉE.


Pourquoi donc ai-je alors rêvé de la saison
Qui dépouille les bois sous la bise plus aigre,
Et pourquoi ce sillon dans la joue un peu maigre
M’a-t-il inquiété bien plus que de raison ?

Je connais cette enfant ; elle n’est que débile.
Depuis le bel été passé dans ce château,
Elle va mieux. C’est moi qui lui mets son manteau,
— Lorsque le vent fraîchit, — d’une main malhabile.

J’ai ma place auprès d’elle, à l’heure des repas,
Je la gronde parfois d’être à mes soins rebelle,
Et, tout en plaisantant, c’est moi qui lui rappelle
Le cordial amer qu’elle ne prendrait pas.

Elle ne peut nous être aussi vite ravie !…
— Non ! mais devant ce ciel calme et mystérieux,
Avec ce doux reflet d’étoile dans les yeux,
Cette enfant m’a paru trop faible pour la vie ;

Et, sans avoir pitié, je n’ai pas pu prévoir
Tout ce qui doit changer en ride ce sourire
Et flétrir dans les pleurs ce regard où se mire
Le charme triste et pur de l’automne et du soir.


(Le Cahier rouge)


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DÉSIR DANS LE SPLEEN




Tout vit, tout aime ! et moi, triste et seul, je me dresse
Ainsi qu’un arbre mort sur le ciel du printemps.
Je ne peux plus aimer, moi qui n’ai que trente ans,
Et je viens de quitter sans regrets ma maîtresse.