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JACQUES NORMAND.

De l’orage en fureur ne cessait de tonner.

« Un semblable retard ne doit point étonner,
Dis-je à la pauvre femme ; après tout, la tempête,
Terrible comme elle est, à Fécamp les arrête...
Puis un verre devin, offert au cabaret...

— Avant de me revoir ?... Jamais il ne pourrait ! »

Et, sans un mot de plus, elle demeura sombre,
Aux carreaux ruisselants cherchant à percer l’ombre.

Tout à coup, au dehors, on frappa rudement.
« Lui ! dit-elle, c’est lui ! »
                                         Mais, dans l’encadrement
De la porte, apparut la taille maigre et haute
Du père Jean, le vieux douanier de la côte,
Tout inondé de pluie, et le fusil baissé.
« Et Pierre ? » dit Gervaise.

                                         Alors, embarrassé,
Le douanier, debout sur le seuil de la porte :

« Votre homme ?... Il va venir... La marée est très forte
Et cause son retard et celui des amis... »
Puis, s’avançant vers moi: « Le facteur m’a remis
Cette lettre pour vous, » me dit-il à voix basse.

Mais tandis qu’aux carreaux Gervaise, triste et lasse,
Allait se replacer pour regarder au loin,
Le brave douanier, m’attirant dans un coin
Comme pour me donner une lettre :

                                                        « A la plage
« Trois bateaux sont brisés... plus rien de l’équipage