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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Temps heureux où la foi de Rome et de la Grèce
Vivait pour le croyant dans le marbre et l’airain,
Où les dévots du culte impudique ou serein
Faisaient fumer l’encens et flamboyer la graisse ;

Où Carthage adorait, monstres de jaspe et d’or,
Ses Molochs constellés de sanglantes écumes ;
Où les Esprits parlaient sous le trépied de Cumes,
Dans le temple d’Éphèse et les antres d’Endor !

Temps heureux ! Aux forêts de la Scandinavie,
Quand le Scalde allumait la flamme du bûcher,
Par essaims, les guerriers y venaient se coucher,
Radieux dans l’espoir d’une seconde vie.

Et le Gaulois, fidèle au Dieu des jeunes ans,
Sous les soleils d’amour ou les vents de colère,
Chantait le Tout-Puissant terrible et tutélaire !
Heureux âge ! Les Dieux étaient partout présents.

Qu’importe que d’un bloc de pierre ou d’un tronc d’arbre
Les Dieux fussent tirés ! L’idéal radieux
Transfigurait l’idole, et la splendeur des Dieux
Rayonnait par la foi sur le bois ou le marbre.

Qu’on les nommât Iavhé, Mars, Osiris, Junon,
Hu, Tanit ! Que le Dieu, là triple, ailleurs unique,
Fût chanté dans un hymne ou védique ou runique ;
Qu’importe leur essence et qu’importe leur nom !

On adorait ! Le monde affamé de mystère
Vivait dans le respect des Maîtres surhumains,
Et la foule croyait au Ciel fait de ses mains,
Dans l’immense désir de comprendre la Terre !