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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Il faut avoir plié les genoux sur la pierre
Où celle qu’on aimait dort son dernier sommeil ;
Il faut avoir — longtemps — dans des jours sans soleil
Regardé devant soi d’un regard sans lumière.

Il faut avoir marché longtemps, longtemps gémi
Dans le recueillement de cette solitude,
Ayant pour seule joie et pour seule habitude
De vivre avec une ombre et d’en rester l’ami,

L’ami toujours fidèle et pour qui rien ne passe
La cruelle douceur de ces chers entretiens,
Qui voit toujours deux yeux attachés sur les siens,
Et qui songe... en dehors du temps et de l’espace.

Alors, alors le vrai resplendit à nos yeux,
Le verbe enveloppé déchire tous ses voiles,
Au delà de la tombe, au delà des étoiles,
Notre foi reconnaît un monde radieux ;

Une clarté nous guide, une voix nous appelle,
Et, comme un beau lis blanc fleuri sur un cercueil,
L’âme que nous aimons apparaît sur le seuil,
Blanche et pure, et reçoit notre âme tout près d’elle.

(Ad Memoriam)