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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Elles suivent au troc la voie Élyséenne,
Derrière elles laissant le vieux Palais des rois
Et le Forum couvert où l’on fit tant de lois ;
Elles montent, lançant des œillades de Parthe,
Jusqu’à l’Arc Triomphal de César Bonaparte.
Ô Romains de Paris, regardez-les de loin
Passer dans leur orgueil, le fouet d’ébène au poing.
On dirait qu’à l’appel de ces belles auriges
Sont descendus des vieux bas-reliefs les quadriges
Que sculpta dans le marbre un fèvre Ausonien ;
C’est ainsi qu’elle vont au bois Boulonien
Respirer le printemps. La porte Maillotine,
Large, s’ouvre devant leur foule libertine ;
Bientôt par les sentiers, sous le grand soleil d’or,
On les voit persiller autour du Lac major.

Parfois, croisant leur char, quelque pubère équestre
Leur envoie un salut amical de la dextre;
Tandis qu’un sénateur, un consulaire, un vieux
Tribun, en tapinois les dévore des yeux.
Oh ! Vénus a donné le charme à ses prêtresses !
Dans leurs cheveux, on sent le souffle des caresses
Agiter les grands plis du long voile fuyant;
Leurs yeux sont agrandis par le Kold-Indian;
Comme un couple rival des aurores vermeilles,
Deux perles de l’Assur brillent à leurs oreilles;
Sous le péplum brodé, ces guerrières d’amou r
Ont enfermé leurs seins candides; et c’est pour
Couvrir leurs flancs qu’avec des mains endolories
Le Sère de Lyon a tissé des soieries,
Et que le Celto-Belge a cultivé le lin :
Les voyez-vous passer dans leur luxe divin !

Méherculé ! pourtant, elles furent esclaves !