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CLOVIS HUGUES.


Et je frissonnerai, d’aube toute trempée,
Sentant venir les temps promis à l’univers,
Où le dernier tronçon de la dernière épée
Me servira de soc dans les sillons rouverts.


(Les Évocations)


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LE GOÛTER DES ENFANTS



Quel trésor pour cette famille
De fiers et loyaux travailleurs !
Le garçon a dix ans ; la fille
Aura sept ans au mois des fleurs.

Leur mère, étant du peuple, est bonne
Et les aime, sans les gâter ;
Mais tous les jours elle leur donne
Le petit sou pour le goûter.

Alors, bambins qu’un rien égayé,
Gazouillant le long du chemin,
Serrant la pièce de monnaie
Dans leur toute mignonne main,

Se tenant tous deux par la manche,
Évitant les coins encombrés,
Ils vont vers les maisons en planche
Où l’on vend des gâteaux dorés.

Un de ces derniers jours, leur mère,
Pensive, les suivit des yeux,
Ayant au cœur quelque chimère,
Quelque trouble mystérieux.