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STÉPHANE MALLARMÉ.


Luxe, ô salle d’ébène où, pour séduire un roi,
Se tordent dans leur mort des guirlandes célèbres,
Vous n’êtes qu’un orgueil menti par les ténèbres
Aux yeux du solitaire ébloui de sa foi,

Oui, je sais qu’au lointain de cette nuit, la Terre
Jette d’un grand éclat l’insolite mystère
Sous les siècles hideux qui l’obscurcissent moins.

L’espace à soi pareil, qu’il s’accroisse ou se nie,
Roule dans cet ennui des feux vils pour témoins
Que s’est d’un astre en fête allumé le génie.


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ÉVENTAIL




Ô rêveuse, pour que je plonge
Au pur délice sans chemin,
Sache, par un subtil mensonge,
Garder mon aile dans ta main.

Une fraîcheur de crépuscule
Te vient à chaque battement
Dont le coup prisonnier recule
L’horizon délicatement.

Vertige ! voici que frissonne
L’espace comme un grand baiser
Qui, fou de naître, pour personne
Ne peut jaillir ni s’apaiser.