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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Et les Elfes légers dansent dans la clairière,
À l’heure fantastique où le spectre d’un bruit
Émeut les faons, qui vont, troupe si peu guerrière,
Boire à la mare obscure où la lune reluit.

Chêne vaste et noueux, peuplier haut et svelte,
Religieux sapins, hêtres, frênes et houx…
À votre aspect le sang de l’Ibère et du Celte
Se réveille en mon cœur, et je suis tout à vous !

Vos gigantesques troncs, pressant leurs intervalles,
Innombrables, rugueux, plus durs que le granit,
Comme les grands piliers des voûtes ogivales,
S’élancent hardiment, montent jusqu’au zénith.

Votre salubre haleine et vos larges murmures
Prodiguent leur jeunesse à nos afflictions,
Que vous saluiiez l’aube ou plongiez vos ramures
Dans la morne splendeur des constellations.

Et nul décor humain n’égale la magie
De votre clair-obscur, en ce long corridor,
Où là-bas, tout au fond de la forêt rougie,
Le couchant radieux allume un vitrail d’or !


(Pics et Vallées)





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