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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


« Après de si longs mois tu le pleures encore,
Qui donc était-ce ?… » Et lui, d’une voix effrayante
Comme un sinistre orchestre où la trompe, et le cor,

Et les tambours voilés joueraient la marche lente
Du funèbre convoi d’un héros, s’écria :
« Tu n’es qu’un étranger dans la cité dolente !…

« Lorsque ce fou mourut, ton astre se voila.
C’est lui qui but le vin de ta première ivresse,
Et, vois ! tu ne sais plus que ce squelette-là,

« C’est l’homme que tu fus au temps de ta jeunesse ! »


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RONDE NOCTURNE




Au cœur d’une forêt profonde,
Sur un petit lac ignoré,
La nuit, j’ai souvent admiré
La chère et fantastique ronde
De femmes qui, jusqu’au matin,
Tournent, mais sans se faire entendre,
Avec des robes de satin
Blanc, rose, lilas et bleu tendre.

Sur un petit lac ignoré,
Les feuilles larges et polies
Des nénuphars aux fleurs pâlies
S’étendent en tapis moiré ;