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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.



LE ROSSIGNOL




Dans une vaste allée, aux lisières du parc,
Où, parmi des massifs d’aubépine naissante,
Dans cette nuit d’été, la lune languissante
Baise le torse nu d’Amour bandant son arc,

Une dame aux grands yeux de velours se promène ;
Des bouquets de rieurs pourpre et de feuillages verts
Flambent sur le fond blanc de ses vêtements clairs,
Dont rampe sur le sol moussu la longue traîne.

Un gilet de satin qui descend assez bas
Dessine les trésors somptueux de son buste ;
Ses doigts, péniblement, lèvent sa jupe, juste
Assez pour découvrir les coins d’or de ses bas.

Une mouche aux aguets sur ses lèvres exquises
Fait plus blanches encor ses dents de fin émail,
Et sa main droite agite un immense éventail,
Où des papillons blancs becquètent des cerises.

Le silence s’étend, mystérieux et lourd ;
Et, tandis que le vent froisse l’avoine folle,
La dame, que ravit la lune bleue et molle,
Écoute un rossignol qui se pâma d’amour.


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