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EUGÈNE VERMERSCH.

 
Frontin, je le dis sans reproches,
Avait, ce matin, oublié
De mettre de l’or dans mes poches…
Et j’étais fort humilié.

Elle, devinant ma pensée,
Prit le bouquet entre ses doigts :
— « C’est le dernier, je suis pressée,
« Vous me paierez une autre fois. »

Puis elle rit, étant de celles
Qui, plébéiennes au cœur haut,
D’une reprise à ses dentelles
Faisaient crédit à Diderot.


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AOÛT EN PROVENCE




À l’ombre du gerbier géant l’airée est prête ;
Le fermier, dans le rond où s’entassent les blés,
Fait tourner, retenant leurs licous assemblés,
Six chevaux camarguais noirs comme la tempête.

Sous l’ardent soleil d’août, ils vont, regardez-les !
Et le sol dur résonne, et rien ne les arrête.
Lui, suant, mais joyeux plus qu’au jour de sa fête,
Rêve de sacs d’écus et de greniers comblés.

Cependant le soir vient et la brise s’élève ;
La paille en tourbillons vermeils comme son rêve
Monte, se colorant aux rayons du couchant,