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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


De nos illusions, de la folle espérance,
Il a vu commencer et finir le pouvoir :
Règne court, séparant de l’heureuse ignorance
               Le tranquille savoir.

Depuis quelques mille ans à peine l’âme humaine
Par un songe divin s’est voulu consoler,
Et ce songe, en la route où son destin la mène,
               Déjà va s’envoler.

Ayant vu tout cela, ces choses que l’Histoire
Cache sous sa sévère et froide majesté,
Elle qui d’un état fragile et transitoire
               Fait une éternité ;

Ayant vu cet abîme et sondé ces problèmes,
Vous deviez rapporter, chercheur audacieux,
Le dernier mot voilé par tant d’obscurs emblèmes
               Sur terre et dans les cieux.

Et moi qui vous admire, et moi qui vous envie,
J’ai levé sur vos yeux mes yeux mouillés de pleurs,
Pour apprendre de vous à dérober ma vie
               Aux stériles douleurs.

Je vous ai demandé : « Par quoi faut-il, sur terre,
Par quoi faut-il emplir nos cœurs, qui n’ont qu’un jour ? »
Vous m’avez répondu, vous, le savant austère :
               « Emplissez-les d’amour. »

Quoi ! l’immense univers n’a point comblé le vôtre ?
Parmi tout ce qui naît et tout ce qui périt,
Quoi ! nul bien ne valait un autre cœur, un autre
               Qui pour vous seul s’ouvrît ?