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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Ah ! s’ils devaient livrer leurs corps à la poussière
Sans qu’il en restât rien pour l’Immortalité,
Pourquoi porteraient-ils sur l’argile grossière,
Comme le sceau de Dieu, pareille majesté ?...

Oui, je les crois touchés par des doigts invisibles :
Je crois que le secret de leur grave beauté
Est que nous les voyons, confiants et paisibles,
Se pencher sans effroi sur une Éternité !





LES DOIGTS ET LES BAGUES




Il est des doigts blancs, potelés,
Où s’enchâssent des ongles roses,
Des doigts faits pour cueillir les roses,
Qui de bagues sont étoiles ;
Sur ces mains fines et soyeuses
Les baisers pleuvent chauds et doux,
Car l’Amour y prend rendez-vous
Avec les pierres précieuses...

Il est des doigts moins effilés,
Des doigts nerveux de jeune fille
Qui tout le jour tirent l’aiguille :
Ceux-là n’ont pas d’anneaux perlés ;
Mais, doux espoir qui moralise,
L’amoureux payé de retour
A juré d’y mettre à son tour
La bague qu’on donne à l’église...