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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Mystérieux comme un lac trouble,
L’au-delà des jours m’apparaît ;
Mon admiration se double
D’un attendrissement secret,

Et plus que tout au monde, j’aime
Ce frisson devant l’avenir ;
Car je trouve un attrait suprême
À la beauté qui doit finir.


(Les Aveux)





NUIT D’ÉTÉ




Ô nuit, ô douce nuit d’été, qui viens à nous
Parmi les foins coupés et sous la lune rose,
Tu dis aux amoureux de se mettre à genoux,
Et sur leur front brûlant un souffle frais se pose !

Ô nuit, ô douce nuit d’été, qui fais fleurir
Les fleurs dans les gazons et les fleurs sur les branches,
Tu dis aux tendres cœurs des femmes de s’ouvrir,
Et sous les blonds tilleuls errent des formes blanches !

Ô nuit, ô douce nuit d’été, qui sur les mers
Alanguis le sanglot des houles convulsées,
Tu dis aux isolés de n’être pas amers,
Et la paix de ton ciel descend dans leurs pensées.

Ô nuit, ô douce nuit d’été, qui parles bas,
Tes pieds se font légers et ta voix endormante,
Pour que les pauvres morts ne se réveillent pas,
Eux qui ne peuvent plus aimer, ô nuit aimante !


(Les Aveux)