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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Ton front impérieux, farouchement bombé.
Qui l’enflamme soudain de révolte et de rage,
A les sombres lueurs d’un horizon plombé
                  Où s’amasse un orage.

Ta main italienne, au jeu souple et lascif,
Par un vouloir tenace à chaque instant crispée,
Me chercher partout d’un geste convulsif
                  Le pommeau d’une épée.

Rapides, frémissants, aiguisés de clarté,
Pointus et barbelés comme des javelines,
Tes regards chauds et roux tigrent l’obscurité
                  De leurs flèches félines.

Ta bouche sensuelle et lourde, où rit le jour,
Rouge comme une plaie embrasée et profonde,
Est tendue au-devant de quelque immense amour
                  Qui changera le monde !

Ta foi ? La fantaisie ! Et ta loi ? Le plaisir !
Tes vastes appétits, sans attache et sans règle,
Dans la foudre et l’éclair fondront sur leur désir
                  Avec des serres d’aigle.

Tu laisseras ton cœur, où dorment les aïeux,
Vierge implacablement de tout rêve vulgaire,
Battre dans ta poitrine, héroïque et joyeux
                  Comme un tambour de guerre.

Cher annonciateur des soldats qui naîtront,
Du seuil déshonoré de ces temps impassibles,
Salut ! Je sens flotter et chanter sur ton front
                  Des drapeaux invincibles !