Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t4, 1888.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
61
PAUL HAREL.


Et vers la Fortune qui passe
Ils regardent les gens courir,
En sachant ce qu’il faut d’espace
Pour aimer, prier et mourir.


(Aux Champs)





LE VIEUX POMMIER




Le pommier décrépit se penche vers le sol,
Sous le fardeau des fruits et le poids des années ;
Il prodigue son ombre aux frêles graminées
Et couvre le fossé d’un large parasol.

Les oiseaux picoreurs, arrêtés dans leur vol,
L’emplissent de tapage aux claires matinées :
Concert et gazouillis de notes mutinées,
Où chaque moineau-franc se croit un rossignol.

Mousses d’argent, pierrots, pommes d’or et mésanges,
Vie, abondance, espoir, amour, joyeux mélanges !
Dans ton écrasement, pommier, ne te plains pas.

L’honneur est assez grand, si la charge est trop forte.
J’entends le vent d’aval qui murmure tout bas :
« Courage, vieux lutteur, la vigne est bientôt morte ! »


(Aux Champs)