Page:Lemonnier - Ceux de la glèbe, 1889.djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

jambes coupées, Moutarde imagina de jeter à la gribouillette de la menuaille sur la chaussée. Une bagarre en résulta. Tous se ruaient jusque dans les pieds de la foule, forcenés ; un amaurotique brusquement retrouva la vue pour disputer une pièce de deux centimes à un béquillard ; le crapoussin à l’écuelle ramait à larges brassées rez terre ; et une femme soudain poussa un cri, ayant senti dans ses jupes la Tête de mort, renâclant, la main posée sur un sou. Brusquement la querelle tourna à une batterie en règle : Dor la Bonne-Vie, trouvant le jeu plaisant, à son tour venait de lancer une poignée de cuivre dans le vide. Ils se culbutaient, à plat ventre sur le pavé, fouillant la poussière ; l’amputé espadonnait de son béquillon ; une rixe mit aux prises un manicrot et la mère de l’hydropique ; et l’odeur de leurs maladies empuantissait l’air, comme l’approche d’un charnier.

Un épisode inattendu porta à son comble la gaîté des mutins. Allumée à la vue de l’argent, le Poirier s’était élancée ; mais au