Page:Lemonnier - Ceux de la glèbe, 1889.djvu/25

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vache nourricière dans un gras pâturage. En outre elle bêchait le champ, y versait les fumiers et les purins, dès l’avril jetait la graine ou fouissait la plante, fatiguant la terre par un labeur sans trêve. Et elles étaient, la Terre et elle, comme deux sœurs jumelles, également vouées aux douleurs de l’enfantement, chacune nourrissant en soi le germe des moissons futures.

Tout l’été et l’automne, jusqu’à l’hiver, le champ prodiguait les pois, les fèves, les raves, les carottes et les choux ; les eaux vives dessous alimentaient les racines profondes ; une fermentation incessante le faisait ressembler à un ventre en travail. Ensuite, sous le froid ciel de nivôse, la glèbe s’immobilisait ; une mort pesait sur les sillons noirs, comme s’ils ne dussent plus reverdir ; mais derechef, au printemps, le fer faisait à ses entrailles la blessure sacrée ; et, aussitôt après, la vie recommençait.

Ainsi, chaque année, la maternité de Ka saignait ; et si elle avait engendré au temps des brebis, elle concevait avant que le mo-