Page:Lemonnier - Ceux de la glèbe, 1889.djvu/50

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chère morte où plus rien n’avait poussé que du chardon, des orties, de la ronce, mais si profondément enracinés que la fourche et le hoyau n’en pouvaient avoir raison. Cependant, l’avant-dernière année, le Gosau avait essayé d’un plant de féveroles, dans de la décomposition de bête, une charretée putride de tripes animales. Et cet engrais roboratif un instant avait nourri le gésier affamé du champ qui s’était mis à verdir, dans une levée maigre sitôt après mangée par les chiendents voraces et les vesces parasites. À la fauche, on avait eu dix bottillons à peine, pas même un fourrage pour le râtelier, mais simplement de la litière sur laquelle on avait fait bouser les vaches. Et par milliers, les taupes, les campagnols, les mulots, les musaraignes, tout un grouillement baveux de limaces avaient élu domicile dans les sillons.

L’hiver entier se passa à recommencer la lutte ; jamais on n’en avait fini d’extirper les filaments du sous-sol ; c’était comme une forêt ramifiée en tous sens et qui s’enchevêtrait,