Page:Lemonnier - Félicien Rops, l’homme et l’artiste.djvu/180

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longuement à son pupitre que pour écrire ses Notes d’un Vagabond et son Ardenne, livre filial où, avec simplicité et ferveur, en écrivain soucieux de la description juste, comme les peintres, ses amis du temps de l’école d’Anseremme, l’étaient des valeurs de tons exactes dans leurs paysages, il nous fit découvrir une contrée que nous croyions connaître et que nous ne connaissions pas, que lui seul peut-être connut, en rouleur de pays, en artiste aux yeux clairs et en paysan qu’il était à la fois… Liesse, ce petit page des commencements de leur intimité, à Rops et à lui, et qui fut le secrétaire de l’Art libre et qui avait l’air aussi d’un petit abbé galant, sachant fleurir d’un bouquet à Chloris, rimé en manière de sonnet, l’échancrure de gorge des modèles qu’ils appréciaient ensemble ; Liesse qui ne fit, je crois, qu’un livre, mais qui le fit bien, d’une jolie tête annelée en ce temps, avec des yeux frais de jouvenceau et un sourire mouillé d’où les vers ne cessaient pas de tomber… Et puis le bon Carlier dans sa beauté rude et cordiale d’homme des grandes races, type superbe de vigueur, d’endurance et de jovialité, un Wallon comme Rops, mais un Wallon de Mons, celui-là, et que je revis un jour au pays de Chooz, sur la rive de la vieille Meuse, récoltant son raisin de pays et devenu vigneron comme dix ans après devait l’être Rops à son tour… Vieux souvenirs, mais clairs visages toujours vivants, Dieu merci, et dont l’image se noue en guirlande autour du grand visage disparu.

C’était encore le temps où de Paris, à chaque moût de l’automne revenu, l’ami Fely, avec cette rondeur qui mettait les cadets de plain pied, envoyait à Théo (Théodore Hannon) des messages impératifs, poétiques et gouailleurs.

« Voici venir les jolis soleils d’automne ; les feuilles des peupliers vont ressembler à des écus neufs et les forêts rougissent comme mes petites cousines. Ne venez-vous pas au pays de Meuse ? La grande consoude (symphitum officinale !!) fleurit encore çà et là sur les berges et l’eupatoire pourpre nous réserve encore quelques fleurs derrière les haies de troènes.