Page:Lemonnier - Gros, Laurens.djvu/12

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En effet, vers la fin du XVIIIe siècle, aux approches de l’an 1800, la doctrine esthétique triomphante et dominatrice était celle du classicisme, renouvelée par les œuvres de David et formulée déjà dans les premiers écrits de Quatremère.

Dans cette conception, l’art devait se consacrer à créer des formes parfaites, en s’inspirant de la nature, mais de la nature épurée ; il réalisait ainsi le Beau idéal plastique. Il devait ramener son œuvre à l’observation de la raison, la pénétrer d’une idée philosophique ou d’un sentiment moral élevé ; il atteignait ainsi le Beau idéal intellectuel. Les anciens, Grecs et Romains, ayant donné les modèles incomparables de cette double expression du Beau, l’artiste n’avait qu’à les prendre pour modèles, à les suivre, à les imiter. Ainsi les sujets, la pensée, la forme étaient cherchés en dehors de la réalité courante, considérée comme vulgaire et indigne. Or, précisément avec la Révolution, la réalité, si elle fut par instants grossière, basse ou terrible, se manifesta aussi par des événements d’une nouveauté, d’une puissance et d’une grandeur extraordinaires, et le désaccord éclata entre l’abstraction de la doctrine et l’intensité de vie et d’action des hommes et des choses.

Aussi, quoique les gouvernants de la Révolution aient tenté des efforts dignes de louange pour avoir un art révolutionnaire, quoiqu’il y ait eu plus de productions qu’on ne l’a cru empruntées aux faits contemporains, il n’y eut pas d’art de la Révolution, c’est-à-dire que son esprit ne trouva pas sa véritable expression, sauf dans