Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/130

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— Je crois bien que j’ai dîné, et fameusement, répliquait M. Muller en toussant.

À neuf heures, M. et madame Lamy retournaient chez eux, et tout en cheminant, madame Lamy disait avec un soupir :

— Voulez-vous parier, Lamy, que M. Muller n’avait pas dîné ! J’ai vu ça tout de suite à son air.

Or, un soir, comme ils s’en revenaient, M. Lamy dit à sa femme :

— Thérèse, nous sommes demain le 15 et c’est au 15 que j’ai promis de payer au menuisier le cercueil de la mère Bril. Comment allons-nous faire ?

— Jésus Marie ! cria madame Lamy. Sommes-nous demain le 15 ?

— Oui, et il faut que je paye avant le soir.

— Ah ! Lamy, c’est bien malheureux d’être de pauvres gens comme nous ! Qu’est-ce que nous allons faire ?

— Le cercueil coûte quinze francs. Je l’ai bien examiné : il vaut ça. Non, ce n’est vraiment pas trop cher ! Mais où trouver les quinze francs. Et puis, ce n’est pas tout, Thérèse. Qui est-ce qui payera l’église et le corbillard ?

— Oui, qui est-ce qui payera tout cela ?

— Le tout ensemble fera bien cinquante francs, Thérèse.

— Cinquante francs, Jésus Dieu Seigneur ! Est-il possible ? Nous n’avons jamais vu cinquante francs à la fois dans notre poche, Lamy.

— C’est vrai, Thérèse, mais nous avons acheté il y un an une action de Bruxelles.

— Oui, une action qui vaut cent francs, et pour laquelle nous avons économisé pendant six ans, quand la grand’mère n’a plus eu besoin de notre argent.