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— Oui, fit M. Muller, causons d’autre chose.

Jean avait les larmes aux yeux en les entendant ainsi se quereller.


XVI


Après le dessert, M. Muller fit du café et madame Lamy rangea les tasses sur la table.

Et tout en prenant le café, on se mit à causer.

— Quelle joie, Lamy, disait M. Muller, si le petit monde pouvait comme ça se réunir un peu plus souvent autour d’un bon dîner pour apprendre à se connaître et à s’aimer !

— Oui, la terre ne s’en porterait que mieux, fit M. Lamy, en lapant du bout de la langue une goutte qui tremblait au fond de son verre.

Madame Lamy s’était levée avec mystère, regardant à droite et à gauche si elle n’était pas vue, et elle alla prendre dans le coin de l’armoire une bouteille à demi pleine qu’elle y avait cachée. Et elle se disait en même temps :

— Voici le moment de leur faire goûter quelque chose de ma façon. J’ai bien fait d’intercepter cette bouteille tout à l’heure et de la mettre en réserve pendant qu’ils causaient entre eux. Il y reste quatre bons verres avec lesquels je vais leur préparer du vin chaud.

Elle prit aussi dans l’armoire un demi-citron qu’elle coupa par tranches, jeta une pelletée de charbon sur le feu, et quand la flamme fut bien claire, mit dessus un poêlon, après y avoir versé le vin et le citron.

— C’est un grand malheur, dit M. Muller, que les grands ne puissent pas voir avec nos yeux. Ils croient