Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/98

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Chaque fois que M. l’inspecteur proclamait un nom, un petit garçon ou une petite fille accourait dans ses plus beaux habits, rose comme un gros fondant, faisait la révérence au public et à MM. les membres du bureau et recevait des mains de M. le ministre ou de M. le bourgmestre un beau livre à couverture dorée, pendant que la musique des pompiers jouait les deux premières mesures de la Brabançonne et que les papas et les mamans se levaient tout droits dans la salle en battant des mains pour montrer que les petits garçons et les petites filles étaient les leurs.

Lorsque arrivait le tour de Jean, M. Muller, qui avait de grosses larmes dans les yeux, agitait son mouchoir à carreaux rouges aussi fort qu’il pouvait et criait bravo en donnant des coups de coude à ses voisins.

La cérémonie terminée, M. Muller se précipita à travers la foule, bousculant tout le monde, jusqu’à ce qu’il vît son jeune ami qui venait à lui et de loin lui montrait ses trois beaux prix dorés. Alors il ne sut plus se modérer du tout et il courut à Jean, le serra dans ses bras, regarda ses livres, les tournant, les retournant, déclarant qu’il n’avait jamais rien vu de plus admirable.

Jean, lui, pensait à sa mère.

Qu’est-ce qu’elle allait dire ? Comme elle serait heureuse quand elle saurait que son petit Jean avait remporté trois prix ! Dieu ! quel beau jour ! madame Lamy avait promis de la tarte, et l’on passerait la journée ensemble, en riant et en mangeant.

M. Muller disait des choses comme ceci :

— Tu étais le plus beau de l’école. Je n’ai jamais vu quelqu’un qui marchât aussi droit que toi. Hé ! hé ! le ministre t’a parlé ? N’est-ce pas qu’il t’a parlé ? Je l’ai