Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/203

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— Mon père viendrait-il ?

— Nous accompagner, si tu le désires. Cela te distraira sans doute un peu, et, dans tous les cas, vaudra mieux pour nous que de piétiner constamment sur place, avec toute une légion de pensées noires qui nous obsèdent jour et nuit. Si tu m’en crois, nous partirons en juillet.

— Comme vous voudrez, répondit Thérèse, avec son pâle sourire de résignée à qui tout semble indifférent.

La belle saison venue, Mme Desmarennes et sa fille louèrent à Royan le chalet des Pins, où Desmarennes resta deux jours avec elles, et vécurent là, non précisément comme deux recluses, mais très modestement et comme dans un monde à part, sans se mêler à la foule tumultueuse et bariolée grouillant aux bains de Pontaillac ou au théâtre du Casino ; se bornant, pour toute société, aux deux familles qui étaient venues les rejoindre, celle du docteur et celle du notaire. Me Guérineau lui-même apparaissait quelquefois, entre deux plaidoyers, au bord de la mer, pour y retremper son éloquence, assurait-il avec la verve enjouée et par instants gouailleuse qui était le vrai fond de son caractère.

Thérèse avait officiellement fini son deuil, et obéissant à l’étiquette mondaine, avait quitté ses robes noires, pour ne pas attirer trop longtemps