Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/23

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de roman, et je ne sais vraiment pas ce que l’avenir me réserve…

— Et tu reviens de fort loin ?

— D’Égypte, d’Arabie, de la côte orientale d’Afrique où, entre parenthèses, j’ai failli laisser mes os de paysagiste, avant d’avoir fini mon œuvre, ce qui ne m’eût pas absolument égayé, et ce qui t’explique un peu mon absence prolongée…

— Et depuis quand débarqué ?

— D’avant-hier seulement, à Granville, après avoir tourné l’Espagne par Gibraltar. Ah ! mon ami ! le croirais-tu ? à la fin de cette longue traversée, quand je n’ai plus senti sous mon pied le bercement du navire, quand j’ai pris terre en flairant les herbes, j’ai voulu d’abord m’enfouir comme un ruminant dans ces bonnes et grasses vallées normandes, ne pouvant détacher mes regards des longs prés qui verdoient et verdoieraient jusqu’au bout du monde, si la mer ne les arrêtait pas… J’ai laissé filer toutes seules mes malles sur Paris, et je bats la campagne à travers les herbages, ivre de verdure et de joie dans ce magnifique pays occidental qui pour la première fois se révèle dans toute sa gloire à mes yeux fatigués. Comme je porte toujours avec moi quelque bout de toile et ma boîte à couleurs, je n’ai pu me défendre de planter ici ma pique et mon parasol, et je commençais