Aller au contenu

Page:Lenient - La Satire en France au moyen âge, 1893.djvu/424

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
400
CHAPITRE XXV.

chef-d’œuvre desavie : il s’appelait Gilbert {Gislbertus hoe fecit). Lasceae est, selon I’usage gea6ra)ement suivi, divisee ea trois etages principaux, representaat le ciel, la terre, et la region moyenne oil s’opere Ja pesee des £imes. Une statue grandiose du Christ apparait au centre des deux parties superieures : c’est a ses pieds que I’artiste a inscrit son nom. A. droite et a gauche se fait le partage des bons et des mechants. Au-dessous, se deroulela procession des ressuscites. On voit se lever encore transis du froid de la mort tous ces corps nus et tremblants, les uns a demi courbes, les autres se voilant la face, un petit nombre marchant d’un pas assure. Tous s’avancent p61e-m61e, hommes, femmes, enfants ; quelques-uns ont conserve un lambeau de vdtement, une chemise, un insigne de ce qu’iis furent autrefois : la plupart sont corapletement depouilles. Ces nudites, que le christianisme avail d’abord severement proscrites comme un heritage du sensualisme paien, reparaissaient Ja non plus pour enivrer I’homme du spectacle de sa propre image, mais pour iui rappeler cette grande loi de misere et d’egalite que Job avait proclamee, et qu’Eustache Deschamps cel6brait en beaux vers avant xMalherbe :

Vilment estes congus,
D’ou vient ce nom villains, qui le cœurblesce ;
Vous estes tous d’une peU revestus.

Dans ce cortege des trepasses, qui pouvait distinguer le gentilhomme du manant, la noble chatelaine de la simple paysanne ? L’inspiration religieusedu siecle anime toutce morceau : on y sent regnerune tristesse calme et grave ; rien de violent ni de contourne. Ce n’est la ni une vengeance ni une satire, mais plutot une terrible legon dont I’auteur a resume le sens dans ce vers d’une harmonie presque infernale :

Terreat hie terror quos terreus alligat error.

A partir de Dante, la scene s’assombrit et se complique :

. Peas