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Page:Lenient - La Satire en France ou la Littérature militante au XVIe siècle, t. 1, 1886.djvu/28

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6 INTRODUCTION. des temps modernes. Sans lui, que fût devenue la chélive personnalité humaine sous la formidable pression de la monade ou de l'unité monarchique, sous le poids de ces géants, comme Pantagruel et Gargantua, mangeant les peu- ples aussi aisément que les pèlerins en salade * ? Au milieu de toutes ces forces morales qui vont se disputer l'empire du monde, la Némésis satirique se dresse debout tour à tour armée du fouet et de la marotte. Elle avive, raille ou partage ces mille passions frémissantes qui poussent les partis, les sectes et les écoles dans l'arène des guerres civi- les, religieuses ou littéraires. La Satire au Moyen Age est la revanche et le contre-poids des inégalités sociales : par elle la médisance console de la faiblesse, le rire tempère les abus de la force. Mêlée aux plus graves cérémonies de l'É- glise comme aux plus nobles inspirations de l'art chrétien, parodiant à la fois les splendeurs de la vie féodale et les trivialités de la vie populaire, elle exprime sous une forme moqueuse et pacifique l'éternelle antithèse qu'on rencontre partout ici-bas. Au seizième siècle de nouvelles questions s'agitent; la Satire prend aussi un caractère nouveau : elle devient plus batailleuse et plus destructive. La Renaissance lui apporte le contingent du philosophisme antique, les hardiesses et les périls du libre examen ; elle l'arme d'une formidable érudition, et avec la science elle lui lègue le scepticisme, dernier rejeton né de la fatigue et de l'épuisement des sys- tèmes sur les ruines du monde païen. Le Lucianisme s'infiltre et déborde bientôt dans les écrits des libres penseurs. En même temps qu'elle renouvelle le fond, la Renaissance ra- jeunit et multiplie les formes de la Satire. Le conte, le fabliau, le sirvente, la ballade, la farce ne lui suffisent plus : elle y . Rabelais, Gargantua, chap. xxxvni.