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derrière les vieux murs en ruines

le sol une ombre douce, et l’eau sinue, avec un glissement fluide et lisse de couleuvre, à travers la verdure.

Par delà les croulantes murailles, le minaret de Lella Aouda, tout émaillé de faïence, découpe sa sveltesse sur le ciel.

Mouley El Kebir disserte d’une voix égale, dont le timbre ne s’altère et ne se hausse jamais. Ses draperies superposent leurs teintes en une mourante recherche : le caftan de drap « cœur de pierre » apparaît sous la djellaba couleur « sucre » et le selham, fauve et pâle comme le ventre d’une tourterelle. Les mousselines les plus fines, tissées à Fès, enveloppent son visage intelligent, d’une extrême distinction, qu’éclairent de petits yeux bridés, étroits, amenuisés par le sourire jusqu’à n’être plus que des fentes brillantes remontant un peu vers les tempes. Il est accroupi d’une étrange façon : une jambe pliée et relevée, dont il tient le pied à hauteur de l’épaule, en une attitude de miniature persane.

Le négrillon Mbarek, toujours sautillant, apporte des parfums. Les fumées du santal mêlent leur odeur d’aromates à celle, plus fraîche et plus pure, des fleurs, que le vent dissémine.

Le ciel rosit… un enchantement paisible enveloppe toutes choses et nous sépare du monde réel. Il n’y a plus de ville, plus de foule. Il n’y a plus rien que ce palais mystérieux, cet immense parterre multicolore éclos au milieu de tant de