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derrière les vieux murs en ruines

ferait irruption et, calamité ! s’emparerait de tous les Gnaoua.

— Va boucher les conduits de la chambre aux ablutions, ordonne Lella Lbatoul.

On ne saurait avoir trop de prudence envers ces démons, toujours prêts à s’élancer sur les humains.

Les musiciens commencent à s’exciter, leurs chants deviennent plus rauques, les joueurs de gumbri grattent leurs instruments avec une rage grandissante, et la cadence des crotales secoue furieusement la nuit. Un à un, les danseurs se lèvent, encensent leurs vêtements et leurs corps et viennent exécuter quelques pas devant l’orchestre.

Hypnotisée, une négresse de la maison, qui passait au milieu du patio, s’est arrêtée. Elle dépose son plateau de cuivre et s’avance vers les Gnaoua. Selon les rites, elle parfume ses caftans et s’apprête à danser. Puis, saisie d’une pudeur subite, elle s’enfuit. Mais on la ramène et peu à peu Fatima se prend au rythme de la musique. Des réminiscences lointaines s’emparent de son être, elle danse… droite, presque sur place, en un dandinement exaspéré. Ses hanches roulent, ses épaules tressaillent, ses seins frémissent, une stupide béatitude alanguit son visage.

Les esclaves et les femmes, qui d’abord avaient ri, l’encouragent de leurs stridents yous-yous.

Fatima danse éperdue, les yeux hagards, la