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derrière les vieux murs en ruines

Les petites filles suivent, fières et gauches dans leurs caftans de drap neuf et leurs tfinat en mousseline raide. Mais on ne distingue de leurs splendeurs que de très estimables babouches, car elles se voilent pudiquement dans leurs haïks. Rabha, elle-même, a voulu enrouler son visage de linges qui écrasent son petit nez.

À mesure que nous approchons de la place, la foule se fait très dense et Kaddour a bien de la peine à nous frayer un passage. Foule éclatante, colorée, sans une tache d’étoffe sombre. Pas de femmes, ou presque, à part quelques hétaïres et des femmes berbères au profil sauvage, mais des tirailleurs, des artisans, de jeunes bourgeois, et surtout des enfants.

C’est la fête des petits. Il y en a de tous les âges, de toutes les tailles, importants et raides en leurs beaux habits. Ceux qui ne marchent pas encore sont portés sur les bras. Tous les crânes des garçons reluisent, fraîchement rasés ; une mèche se balance au sommet, à droite ou à gauche, selon la confrérie à laquelle on les a voués. Les selhams, de velours et de soie, miroitent au soleil. Les fillettes ont des nattes minuscules, enchevêtrées avec art et régularité, tout autour de la tête. Elles se parent de ferronnières, de lourds anneaux d’oreilles et de colliers prêtés par leurs mamans. La plupart circulent à visage découvert, le port du haïk n’étant de rigueur qu’au moment où l’enfant devient nubile, et alors