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derrière les vieux murs en ruines

les mosaïques. Son haleine, empestée de mahia[1], confirme ce que déjà nous avions deviné.

Saïd est ivre, épouvantablement !…


12 novembre.

Les vapeurs qui s’étendaient sur le ciel, comme le tfina de mousseline dont la transparence atténue l’éclat d’un caftan, se sont accumulées, cette nuit, et deviennent d’épaisses nuées menaçantes.

Elles accourent de l’ouest, se poursuivent, se bousculent, se confondent en un conflit tragique et muet. Plus haute et subitement hostile, la chaîne du Zerhoun barre l’horizon d’un rempart indigo foncé ; les ruines s’abandonnent, très grises ; il semble que la ville se soit écroulée davantage. En cette atmosphère de tristesse et d’hiver, ce n’est plus qu’un lamentable tas de décombres.

Quelques gouttes s’écrasent lentement dans la poussière en y traçant des étoiles… Leur rythme s’accentue, se précipite, et Meknès disparaît sous le voile rayé de la pluie.

Elle tombe ! Elle tombe ! impétueuse, irrésistible, dévastatrice. On dirait qu’elle veut se venger de son long exil. Elle tombe avec rage, avec féro-

  1. Eau-de-vie de figues.